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Décryptage : comprendre les futurs besoins de flexibilité du réseau électrique pour atteindre la neutralité carbone

27 octobre 2021

Le rapport de RTE « Futurs énergétiques 2050 » publié le 25 octobre 2021 acte le fait que la France ne pourra pas se passer d’un développement massif des énergies renouvelables. Ce rapport avance plusieurs pistes permettant le développement de la flexibilité du réseau dans l’objectif de mieux intégrer ces énergie et répondre aux besoins électriques qui ne cesseront d’augmenter dans les prochaines années.

Dans son rapport, RTE estime que le prérequis pour atteindre la neutralité carbone à échéance 2050 est une augmentation conséquente des énergies renouvelables dans le mix et de la consommation d’électricité, qui devrait passer de 25% à 55% de l’énergie finale consommée. Tous les scénarios présentés tablent ainsi sur un développement du renouvelable, à minima correspondant à 50% de notre futur mix énergétique.

Or, pour faire fonctionner un système avec une part conséquente d’énergies renouvelables, le développement des flexibilités, c’est-à-dire la possibilité d’ajuster la production d’électricité par exemple d’une éolienne en fonction de la demande à un instant particulier, est indispensable. En effet, tous les scénarios, quels qu’ils soient, proposent un bouquet de flexibilité en 2050 compris entre 13 et 15GW (hors V2G). Les besoins en flexibilité se situeraient entre 28 et 68GW, et augmentent selon la part d’énergies renouvelables dans le mix électrique.

Il existe de nombreuses solutions d’ajustements à des coûts plus ou moins importants. Dans son rapport, RTE en présente plusieurs :

– Ajustement par le stockage
Cela consiste à stocker de l’énergie lors des périodes de surproduction pour la réinjecter dans le réseau en temps voulu.
On peut citer à titre d’exemple le développement de l’hydraulique qui peut monter jusqu’à 8GW de capacités, en particulier le stockage d’énergie par pompage. Cette technique consiste à stocker la production d’énergie hydraulique lorsque les besoins de consommation diminuent, et à produire de l’électricité lorsqu’ils augmentent.
RTE souligne également que dans le cadre d’un scénario 100% renouvelable, les centrales thermiques alimentées par du gaz 100% décarbonées seront utiles notamment dans la période hivernale et les périodes d’intermittence.
Les batteries sont une dernière flexibilité étudiée par RTE, particulièrement pour les panneaux photovoltaïques.

– Ajustement par la consommation
Sous l’effet du développement de nouveaux usages, comme les véhicules électriques ou l’électrolyse, et de l’électrification des process industriels, la consommation électrique va pouvoir s’adapter à l’électricité produite sur une période par les énergies renouvelables. Dans les scénarios de flexibilité haute, RTE table sur une puissance moyenne modulable de 44GW. Cette hypothèse est commune à tous les scénarios présentés.

Exemple d’ajustements par la consommation :

  • L’hydrogène : la production d’hydrogène par électrolyse a la possibilité de s’adapter aux variations de la production renouvelable et de la consommation électrique totale. Si les électrolyseurs sont reliés à un grand système hydrogène doté de capacités de stockage, ils pourront moduler leurs fonctionnement dans des proportions extrêmement importantes. Cette flexibilité est plutôt envisagée comme un levier à long terme par RTE, car elle nécessite des infrastructures de stockage et de transport de l’hydrogène. Le développement de cette technologie ne trouvera son intérêt que si elle peut s’appuyer, entre autres, sur de grands parcs éoliens ou solaires.
  • Les véhicules électriques : le développement des véhicules électriques, stationnés à plus de 95% du temps, est une solution pour améliorer les flexibilités. Reliés à des bornes bidirectionnelles, les véhicules électriques pourraient se charger et se décharger en fonction des besoins et de la production électrique. Ainsi, pour ne pas perdre l’énergie produite lors d’une période de vent important, l’électricité produite par les éoliennes pourrait être stocké dans les voitures, et réinjectées si besoin dans les périodes de creux (technologie vehicle to grid ou V2G). Sur des prises classiques, un système de pilotage permettrait de recharger les véhicules dans des périodes d’excédent d’offre ou de creux de demande, à l’image du système d’heures creuses aujourd’hui en vigueur sur le réseau. RTE souligne l’intérêt de tirer le meilleur parti du potentiel de flexibilité voire de stockage que représentent les véhicules électriques.

– Ajustement grâce aux interconnexions des réseaux électriques
La France est intégrée au système électrique européen. En développant ses interconnexions, elle pourrait mutualiser les leviers de flexibilité avec ses voisins, c’est-à-dire qu’en développant la taille du réseau, elle développe ainsi des flexibilités. Tous les scénarios ou variantes étudiés s’inscrivent dans un cadre du marché européen de l’électricité interconnecté.

Enfin, RTE note que le rôle du numérique sera croissant pour piloter un système amené à être de plus en plus complexe : en effet, la production d’électricité sera davantage dispersée avec le développement des renouvelables. Elle permettra de renforcer l’interdépendance entre les territoires et pousser à la mutualisation.

Le développement des flexibilités est donc un prérequis essentiel pour réussir la transition vers plus de renouvelable. RTE note d’ailleurs qu’un scénario 100% renouvelable est possible sous réserve de s’appuyer sur un « système hydrogène » performant et flexible et de réussir le pari de l’éolien flottant. Les flexibilités sont aussi présentées comme une solution au défi du développement des énergies renouvelables face aux aléas météorologiques du changement climatique.