Le serpent énergétique des anti-renouvelables : Instrumentaliser une dépendance à la chine pour masquer l'extrême dépendance aux énergies fossiles importées

Un discours persistant en France vise à fragiliser le développement des énergies renouvelables en les accusant de créer une nouvelle dépendance à l’égard de la Chine. Cette critique, relayée sans nuance qui oppose une autonomie du nucléaire français face à une soi-disant vulnérabilité des filières solaires, éoliennes ou du stockage n’a aucun sens : dans les faits ces énergies sont complémentaires et indispensables pour diminuer notre dépendance aux énergies fossiles importées. On ne dit pas par hasard qu’il ne faut jamais mettre tous ses œufs dans le même panier.
L’argument de la dépendance à la chine : le cheval de Troie politique de certains élus pour favoriser le statu quo qui mène à l’immobilisme
Le dogmatisme anti renouvelables qui déroule le tapis rouge aux énergies fossiles pour de longues années encore sous couvert de faux patriotisme nucléaire, ce n’est pas nouveau. Se justifier par la dépendance aux technologies chinoises quand ces mêmes élus suggèrent de relancer les forages d’hydrocarbures ou de commander des centrales nucléaires Sud-Coréennes est révélateur de la supercherie qui anime une partie de l’hémicycle. Pourtant l’objectif d’un mix équilibré, EnR et nucléaire, favoriserait la production industrielle en France pour moins dépendre de puissances étrangères. Cela permettrait également d’améliorer la flexibilité et la robustesse de notre système électrique. Et c’est tout ce dont la France a besoin pour ne pas subir un déclassement dans des domaines stratégiques et ainsi maitriser son destin énergétique.
La dépendance aux matières premières est un enjeu global, qui ne concerne pas que les renouvelables électriques.
S’il est indéniable que la Chine occupe une place centrale dans les équipements bas-carbone et le raffinage de certaines matières premières critiques comme le lithium, le cobalt, ou les terres rares, cette dépendance ne concerne pas exclusivement les énergies renouvelables. Elle touche l’ensemble des filières énergétiques ou industrielles, même nucléaire, qui reposent aussi sur des équipements électroniques ou de matériaux dont la fabrication est largement asiatique. Quant au gaz, il a longtemps été majoritairement importé de Russie, comme en témoigne la crise énergétique européenne de 2022. Ce constat met en lumière une vérité simple : aucune filière énergétique n’est totalement exempte de dépendances.
Solaire, éolien, batteries : l’industrie française et européenne déjà en reconquête ne peux pas se permettre des « stop and go » qui profiteraient en définitive aux énergies fossiles
Face aux déséquilibres industriels mondiaux, la France ne peut rester passive. Relancer activement sa capacité de production dans les énergies décarbonées et notamment les renouvelables dans les 15 prochaines années est une stratégie industrielle cohérente qui est déjà amorcée et doit être confirmée sous peine de désillusions et de destruction d’emplois.
Dans le secteur solaire, plusieurs gigafactories sont en cours de développement. À Fos-sur-Mer, le consortium Carbon prévoit une usine de 5 GW par an dès 2025. En Moselle, Holosolis vise une capacité équivalente à partir de 2027, avec l’ambition de devenir le plus grand site photovoltaïque intégré d’Europe. En Alsace, Voltec Solar accélère également, avec une ligne industrielle déjà active et des extensions prévues. Ces projets marquent le retour d’une souveraineté industrielle française sur le photovoltaïque, dans un cadre européen coordonné.
Du côté de l’éolien terrestre, la situation est souvent mal comprise. Contrairement aux idées reçues, les éoliennes installées en France sont très majoritairement produites par des entreprises européennes telles que Siemens Gamesa, Vestas, Nordex ou Enercon et des usines de maintenances sont présentes en France.
Pour l’éolien en mer, la France dispose même d’un ancrage industriel fort : à Cherbourg, au Havre, à Brest … Ce tissu industriel qui redynamise nos zones portuaires alimente les premiers parcs en mer comme ceux de Saint-Nazaire, Fécamp ou Saint-Brieuc.
Dans l’éolien flottant la France s’affirme comme pionnière. Les premiers démonstrateurs (Floatgen, Windfloat) sont déjà en mer, et trois projets commerciaux de grande ampleur sont en cours de préparation en Méditerranée.Derrière ces projets, une filière industrielle se structure avec des acteurs comme BW Ideol, Technip Energies, Eiffage ou Naval Group, qui visent une chaîne de valeur intégralement française ou européenne. L’éolien flottant pourrait devenir pour la France ce que l’hydraulique a été au XXe siècle : un levier de leadership énergétique.
Le secteur des batteries, crucial pour le stockage de l’électricité renouvelable, n’est pas en reste Des grandes usines sont en construction ou en phase de lancement. À Douvrin, l’ACC (coentreprise entre TotalEnergies, Stellantis et Mercedes) a déjà inauguré son site. À Dunkerque, Verkor développe une gigafactory soutenue par Renault, tandis que le taïwanais ProLogium implante une usine de batteries solides sur le même territoire. TagEnergy, producteur français d’énergies renouvelables, a lancé par exemple en janvier dernier « la construction de la plus grande plateforme de stockage d’énergie par batteries en France ». Il sera accompagné par le fabricant d’automobiles électriques Tesla, qui fournira ses fameux accumulateurs électriques lithium-ion, les Tesla Megapack. L’équipement, qui verra le jour sur un terrain de 3,5 hectares, sera composé de 140 conteneurs de stockage d’énergie de 9 mètres de long. Ils développeront une puissance de 240 MW (mégawatts), soit 2,5 fois plus que l’actuelle plus grosse batterie de France installée près de Nantes, et disposeront de 480 MWh (mégawattheures) de stockage, soit près de 20 % des besoins électriques résidentiels des habitants de la Marne. Le site, proche de l’autoroute A34 et éloigné des habitations, dispose d’une connexion à un poste de transformation électrique de 225 000 volts. À terme, ces sites pourraient couvrir 50 % des besoins français et européens en batteries, tant pour la mobilité électrique que pour le stockage stationnaire et ainsi améliorer la pilotabilité et la flexibilité de notre système électrique.
Le recyclage, levier stratégique pour réduire notre dépendance aux métaux critiques
Une des forces structurelles des énergies renouvelables est qu’elles ne consomment pas de matières premières de manière continue, comme c’est le cas pour le pétrole ou le gaz. Les matériaux sont intégrés aux équipements — panneaux, éoliennes, batteries — et peuvent, à terme, être réutilisés.
La France peut avoir une longueur d’avance sur le recyclage des composants critiques si elle conserve ses ambitions. À Grenoble, la start-up Rosi Solar a développé une technologie innovante de récupération du silicium et de l’argent contenus dans les panneaux photovoltaïques en fin de vie. Le potentiel de recyclage dépasse 90 %, réduisant ainsi à la fois les coûts environnementaux et la dépendance à l’importation.
Dans l’éolien, des projets pilotes explorent de nouveaux procédés de recyclage pour les pales. Le projet Zebra, porté par Arkema et ses partenaires, vise à produire des pales 100 % recyclables à base de résine thermoplastique. D’autres expérimentations sont en cours, mêlant broyage, valorisation thermique ou chimique.
Concernant les terres rares, utilisées notamment dans les aimants permanents de certaines éoliennes, la France investit aussi. Solvay prévoit à La Rochelle un site de recyclage pour extraire et réutiliser les terres rares issues de déchets industriels ou d’équipements usagés. À Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, la société Carester développe une filière de recyclage complète des aimants néodyme-fer-bore, avec pour ambition de réduire la dépendance au marché asiatique dans ce domaine stratégique.
La France développe également activement une filière de recyclage des batteries lithium-ion, dans le cadre d’une stratégie de souveraineté industrielle et environnementale soutenue par le plan France 2030. Plusieurs projets structurants sont en cours, associant grands groupes industriels, start-up innovantes et territoires engagés. Le projet le plus avancé est porté par un consortium réunissant Veolia, Solvay et Renault. Installée en Moselle, l’unité industrielle a pour ambition de traiter 10 000 tonnes de batteries usagées par an dès 2023, avec une montée en puissance à 30 000 tonnes prévue d’ici 2028. Elle repose sur un procédé hydrométallurgique qui permet de récupérer des métaux stratégiques tels que le lithium, le cobalt et le nickel, et ainsi de réintroduire ces matériaux dans une boucle industrielle circulaire.
À Dunkerque, la start-up Mecaware, en partenariat avec Verkor, développe le projet ScrapCO2MET. Il s’agit d’un processus innovant permettant de recycler non pas les batteries en fin de vie, mais les rebuts de production des gigafactories, en particulier ceux générés lors de la fabrication des électrodes. Une première ligne pilote est en cours d’installation à Grenoble, et une unité industrielle de plus grande ampleur devrait voir le jour à Dunkerque d’ici 2026. Elle serait capable de traiter entre 6 000 et 8 000 tonnes de matière chaque année.
Un peu de courage politique et de bon sens pour redonner une direction cohérente est nécessaire
Les renouvelables sont objectivement un levier essentiel de souveraineté, d’industrialisation et d’indépendance énergétique. La France et l’Europe investissent massivement pour relocaliser des segments industriels stratégiques, diversifier les approvisionnements, et développer des filières circulaires dans le recyclage des matériaux critiques. Penser que nous avons le luxe d’attendre 2040 ou 2050 pour véritablement enclencher l’électrification des usages et la décarbonation de secteur stratégiques entrainera un peu plus la France dans un déclin industriel dans un monde où notre pays se doit de retrouver des leadership à court terme. Garder des objectifs ambitieux tels que proposés dans la PPE3 pour l’éolien et le solaire est alors une condition sinéquanone si nous voulons donner les moyens à la France de prendre le bon train.